On estime que quatre sur cinq des maisons construites au Canada dans les années
1950, 1960 et 1970 correspondent à ce que la SCHL nommait des «petites maisons».
Ce sont ces maisons que l'on nommera plus tard bungalow, appellation dérivée du
mot hindi «bangla» et importée de leurs colonies par les britanniques.
[...] non seulement la SCHL soutenait-elle financièrement les
nouveaux propriétaires, mais elle encourageait aussi le développement et la
diffusion de « modèles de petites maisons » en publiant, dès la fin des années
1940, des recueils de plans issus du « Canadian Small House Competition » [ces
modèles] remportaient la faveur des architectes des quatre coins du Canada. Les
67 Homes for Canadians (CMHC, 1947) et autres catalogues étaient, de surcroît,
associés à des guides variés pour constructeurs ou futurs propriétaires [...](1)
Dans le devis de la SCHL illustré dans sa version anglaise qui suit, la maison
souhaitée est pavillonnaire et destinée à la famille moyenne de « Monsieur
Canada ».
La SCHL le décrit comme un Canadien dans la mi-trentaine avec une femme, une
fille de cinq ans et un garçon de deux ans. Sa famille et lui vivent
présentement dans un logement de haute densité et souhaitent quitter la ville
pour la banlieue. Il possède 6 000 $, un travail stable, il n’a pas encore
d’automobile, mais pourrait s’en acheter une.(2)
Monsieur Canada pourra entretenir la cour extérieure, faire reluire son auto
ou recevoir un ami pendant que Madame Canada s'adonnera aux tâches ménagères et
domestiques tout en surveillant ce qui se passe à l'extérieur.
La maison devrait être d'un seul niveau où sont séparées les zones privées et
publiques. Le pavillon bas et allongé, présentant à la rue son long pan, est
pourvu d'une toiture à deux ou quatre versants. Le bâtiment sera implantée à
distance de la rue, le terrain agrémenté d'arbres et d'arbustes et on aménagera
un potager dans la cour arrière.
Le modèle de maison # 231 de 1954 [fig. 9], un bungalow (type plain-pied) à long
pan de style « néo-vernaculaire canadien », offre un bon exemple d’application
de ces principes. Son plan allongé est constitué de deux rectangles juxtaposés
et légèrement décalés, donc deux zones de même dimension. La zone saillante en
façade est publique et elle contient le vivoir à l’avant et la salle à manger et
la cuisine à l’arrière. La zone en retrait est privée et contient pour sa part
trois chambres à coucher et une salle de bain. La maison possède également deux
entrées : la première est située en façade et elle est publique. Les visiteurs
admis par cette porte passent par le vestibule, puis le hall, pour arriver à une
intersection où ils trouvent le vivoir à droite et le corridor de chambres à
gauche. La seconde entrée, destinée à la famille, est située sur le flanc droit
de la maison, lieu de la cour automobile. (3)
Le projet de la SCHL aura permis à d'innombrables familles moyennes de devenir
rapidement propriétaires de maisons à prix abordable. La facilité de financement
assuré par la SCHL, le faible coût de construction permis par la standardisation
des techniques (ossature de bois à plate-forme ou à claire-voie (balloon frame)
et des matériaux (2”x4” et contreplaqué) et la rapidité d'exécution des travaux
auront rendu possible cet accès à la propriété et au développement fulgurant des
banlieues partout.
RÉFÉRENCES
1. Lucie K. Morisset et Luc Noppen, Le bungalow québécois, monument vernaculaire
: la naissance d’un nouveau ... Érudit, Revues, Cahiers de géographie du Québec,
Volume 48, numéro 133, avril 2004, p. 7-114.
2. Lachance, Jonathan. 2015. « L'architecture des bungalows de la Société
Centrale d'Hypothèques et de Logement (SCHL) et le mythe de la maison de
banlieue au Canada ». p.35 Article d’un cahier Figura. En ligne sur le site de
l’Observatoire de l’imaginaire contemporain. Consulté le 28 août 2019. D’abord
paru dans (Gervais, Bertrand, Alice van der Klei et Marie Parent (dir.). 2015.
Montréal, Université du Québec à Montréal : Figura, le Centre de recherche sur
le texte et l'imaginaire. vol. 39,.
3.ibid., p. 38.